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Archerie orientale ou Sarrasine en France dès 732

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Message  ORSO Ven 23 Oct 2015 - 18:58

Ce Document présenté sur une radio locale d'Uzès par la Chevaleresse Yolande a été préparé par Le Chevalier d'arc Montjoie.

En plus de son intérêt de partage de connaissances il nous permet de dire aujourd'hui oui il pouvait y avoir des arcs que nous appelons d'une manière générique " turquois" en France avant l'an mille.

Après accord de Montjoie voici son travail :


Archerie Sarrasine
Lorsqu'on évoque l'utilisation de l'arc au Moyen Age, on aurait tendance à ne penser qu’au longbow anglais cependant ce que l’on appelle "archerie orientale ou sarrasine " est, je le pense, nettement supérieure quant à ces performances que celle utilisée par l'archer muni d'un simple arc en if .

Lorsqu'on parle "Sarrasins" on pense aussitôt à 732 - bataille de Poitiers.
Mais peu de gens savent qu'en 736, dans notre région Charles-Martel a mis en déroute les armées sarrasines, du côté de Montfrin-Remoulins-Sernhac-Meynes .
Si l'on étudie les cartes d'état- major, on découvre avant le péage de Remoulins, un lieu-dit "champ de Mars" (Dieu de la guerre faut -il le rappeler).
Il existe encore de nos jours des traces de ces événements. A la poursuite des Sarrasins regroupés sur les hauteurs de Saze-Rochefort du Gard, Pujaut, Charles -Martel réussit à les empêcher de se mettre en ordre de bataille et les tailla en pièces au-dessus de Montfrin et Remoulins en les précipitant dans la rivière "le Gardon " lors de la bataille de CAMPOURIO
Pour commémorer cette victoire le chef de Guerre fit bâtir 4 édifices religieux aux 4 coins de l'immense champ de bataille -(8 km2 environ).
Ces quatre sanctuaires existent toujours
--le premier à Montfrin, consacré à Saint jean des Vignes et qui est malheureusement aujourd'hui en ruines
--le deuxième à Fournés sur la rive gauche du gardon, en dessous de Remoulins, consacré à Saint-Pierre (où une plaque posée sur la chapelle du même nom ces dernières années évoque cette nécropole et dont la colline porte le nom de "mont Pourriot" (mont pourri en patois) à rapprocher du nom de cette fameuse bataille de Campourio.
Archerie orientale ou Sarrasine en France dès 732  Chapel10

--le troisième à Meynes, sur la rive droite, presque en face Montfrin, dédié à Saint Michel
--le quatrième enfin à Sernhac, sûrement le plus important, placé sous le vocable de la Transfiguration de Notre-Seigneur (6 août, jour du combat)
On doit citer deux anecdotes :
- en 1790, lors de la réparation d'une route on a découvert aux environs de Fournés des sépultures datant de cette époque
- en ensevelissant les guerriers tués, les francs de Charles Martel ont trouvé par hasard vers Meynes une fontaine, qui coule toujours de nos jours et qui aurait parait-il des vertus curatives. Elle porte le nom de Font-Cluze et se trouve aujourd'hui dans l'enceinte d'une usine.
Archerie orientale ou Sarrasine en France dès 732  Fontai10

Une autre explication existe quant à la découverte de cette source : " La résistance qu’opposèrent les sarrasins aux troupes de Charles Martel fit qu’un grand nombre de soldats français restèrent en arrière du corps d’armée, et ne purent être secourus par leurs frères d’armes. Quelques-uns, ranimés par le bruit d’une source voisine, se traînèrent jusqu’à elle, et y lavèrent leurs blessures. Les plaies se cicatrisèrent avec une telle rapidité qu’on reconnut à cette source une vertu particulière que le hasard venait de faire découvrir. Charles-Martel, informé de cet événement, voulut voir cette eau, et ordonna à ses médecins de la décomposer. Ces derniers découvrirent qu’elle renfermait des parcelles dissoutes de vitriol, de fer et de soufre, qui jointe à son excessive fraîcheur, avaient opéré ces cures merveilleuses. (…) Charles Martel fit creuser un grand bassin, et construire sur ses côtés trois niches dans une desquelles était un Saint-Jean-Baptiste ; dans une autre, une simple croix, et dans la troisième, une image de la Vierge. Par ses ordres cette fontaine fut recouverte ; de là il est venu le nom de Font-Cluze ou "fontaine close."
Ce qui explique la visite sur place de gens célèbres tels que Charlemagne vers 825, Simon de Montfort en 1241, François 1er, Henri III, Henri IV et Louis XIII et ..... Moi-même hahahah
Revenons au sujet initial, quels étaient l'arc et la technique employée par ces guerriers sarrasins ?
Nous avons la chance d'avoir un manuscrit conservé à Oxford, écrit pour les archers de Saladin (Salah ed Dîn- sultan d'egypte et de Syrie), et qui fait une description des diverses utilisations des armes de l'époque, ainsi que les indications propres à la "tactique" de ces archers
Ce manuscrit a été traduit par Mrs Lucien Bord-Hamid Hussein et Jean-Pierre Mugg et a été édité sous le titre de " Description et éloge du tir à l'arc"
On peut donc consulter ce manuscrit pour avoir une idée des arcs sarrasins ,arme copiée sur les arcs des Scythes et des Mongols en général .

Outre les arcs composites, on trouve également des arcs simples en bois. Il serait trop restrictif de faire un résumé de cet ouvrage tellement l'emploi de mot techniques arabes rendent les explications du texte compliquées. Toutefois l'on peut citer quelques matériaux entrant dans la fabrication de l'arc, simple ou composite

---pour la confection d'un reflex composite, c'est la corne d'ibex qui est utilisée, d'après al-Tarsusi

--les arcs de bois sont confectionnés avec le bois de jujubier (nab), de couleur roussâtre et très dur, il est connu depuis l'antiquité égyptienne comme matériau propre à la fabrication d'arc de qualité (employé aussi pour les javelots)


"il porte à l'épaule un arc semblable au croissant de la lune qui lance des flèches pareilles aux étoiles"


en fonction de leur qualité, leur défaut ou de leur conception les arabes désignent leurs arcs de noms divers


-.l'arc -filk- fait de plusieurs lamelles de bois
.-l'arc -Kadid- fait d'une branche non fendue
-l'arc -far- fait d'un morceau de branche appelé fagga
-l'arc -farig ou furg ou katum arc simple fait dans une seule branche non refendue et qui a la particularité de ne pas vibrer à la décoche
-l'arc - gas- qui est un arc simple , de faible puissance destiné à la détente,l'entrainement ou pour chasser le petit gibier
-l'arc -Murtahisa- arc droit qui vibre au moment de la décoche
-l'arc -Zawra arc simple à forte courbure
-l'arc -bayna désigne un arc avec un band trop élevé ce qui est un défaut
-l'arc -atal, qui désigne un arc d'une grande rapidité, ou l'arc persan

Les archers de l'armée de Saladin utilisaient la plupart de ces arcs, avec une préférence logique et adaptée pour l'arc composite des cavaliers.
Dans le manuscrit d'Oxford, il est expliqué les diverses manières de Bander et d'encocher l'arc, il serait fastidieux de les évoquer ici car il en comporte 15 .plus compliquées les unes que les autres !



Ces archers d'exception avaient une technique spéciale pour ajuster une visée efficace.
En effet, les maîtres archers de l'époque préconisent :
--pour un tir de 250à 300 coudées ...

Il devient donc nécessaire de se faire une idée de la coudée qui est la partie du bras allant du coude jusqu'à l’extrémité du majeur, dont la valeur de référence était la coudée du Nilomètre de l'île d'al-Rawda en Égypte et mesurant 51cm04, mais d'autres valeurs ont aussi été données selon les lieux et les temps , elles varient de 48,25cm à 66cm et même jusqu'à 82,9cm !

On peut donc considérer que les entraînements se situaient à des distances allant de 127m à 155m environ ce qui donne les directives de tir suivantes aux différentes distances.

--Pour un arc souple :

--à 300 coudées (155m) la cible doit être au-dessous de la main gauche
--A 200 coudées (100m) l'auriculaire doit être au-dessus de la partie supérieure de la cible
--A 150 coudées (76 m), c’est le majeur,
--A 100 coudées (51m) c'est l'index
--A 50 coudées, c'est l'enferron
--A 25 coudées (15 m) l'enferron doit être mis sur le milieu

Pour un arc dur :

- A 300 coudées l'auriculaire doit être mis au-dessus de la partie supérieure de la cible
--A 200 coudées c'est le majeur
--A 150 coudées c'est l'index
-A 100 coudées c'est le pouce
--A 50 coudées l'enferron doit être mis dans le milieu de la cible

Tout le monde aura compris que l'archer sarrasin se sert de ses doigts comme d'une "hausse" d'une arme moderne.
Ce manuscrit d'instruction de l'archer de Saladin est très riche en astuces guerrières. Voici ses conseils mot pour mot:

« - Ainsi , si l'on veut tirer sur un cavalier qui ne présente aucune partie du corps à découvert (sous-entendu en haubert casque et bouclier ) où on puisse l'atteindre, tirer sur son cheval, car le cavalier démonté sera vite réduit à l'impuissance avec l'aide d'Allah

--si l'on veut tirer sur un cavalier arrêté, viser l'arçon de la selle, de cette façon, si la flèche est trop haute elle atteindra le cavalier, et si elle est trop basse, le cheval.

--Si le cavalier fait volte-face et se présente de dos, chercher à l'atteindre entre les épaules.

--Si le cavalier charge au sabre, tirer sur lui mais non de loin : en effet si on le manque il peut attaquer au sabre et nous atteindre de ses coups. Si une façon de tirer sur lui se présente, tirer, sinon ne pas tirer de manière hasardeuse


--S'il charge à la lance et qu'on est armé d'un arc "persan" (arc destiné à tirer à grande distance des flèches courtes et muni d'un guide flèches) tirer sur lui d'aussi loin que possible en ayant à la main droite le sabre dégainé. S'il approche, se protéger avec le bouclier et frapper du sabre, s'il est loin, lui tirer une flèche en cherchant à atteindre sa monture. S’il se rapproche, donner des coups de sabre à son cheval. S’il attaque étant armé du bouclier et du sabre, lui décocher des flèches de loin en cherchant à atteindre sa monture et s’efforcer d'être à sa gauche car il est malaisé pour lui de porter des coups à gauche

--Si on tire sur un détachement de cavalerie, ne pas tirer sur celui qu'on sait être hors d'atteinte, mais chercher à atteindre l'autre, puis le troisième

--Si on est attaqué par deux cavaliers dont l'un est armé de la lance et l'autre de l'arc, dégainer le sabre et le lancer sur celui qui porte l'arc pour occuper sa main par ton jet et être ainsi à l'abri de son tir, puis prendre l'arc et tirer sur celui qui est armé de la lance

--On doit avoir avec soi deux arcs, l'un correspondant à sa force et l'autre plus puissant car à chaque flèche tirée l'arc utilisé s'affaiblit, aussi après avoir tiré 5 ou 6 flèches, le laisser et tirer avec un autre .En effet si on continue à tirer avec un seul arc, il perd de sa puissance et devient inoffensif, le bras et les mains de l'archer en perdant du même coup leurs repères. »

suivi de corde ou archer prudent veut se mettre à l'abri d'un arc déficient suite à une humidité excessive, car comme tout le monde le sait les tendons, la colle et la corne d'un arc composite sont très sensibles à l'humidité
C'est le phénomène qui a réduit l'efficacité de l'arbalète à la bataille d'Azincourt
l'arc composite mouillé (et non la corde comme on l'a toujours prétendu ) a réduit à néant sa portée utile. On connaît l'issue de la bataille !!


« --Si l'ennemi t'attaque, toi et tes compagnons, de flanc et de front, se mettre dos à dos pour se protéger mutuellement avec les boucliers. Si l'on est seul, essayer de trouver un endroit pour s'adosser .Si l'on en trouve pas , rejeter son bouclier en arrière pour que le dos soit protégé et porter son attention devant soi, sortir de l'endroit où on est posté et tirer. »


En conclusion :

Les archers sarrasins bénéficiaient d'arcs élaborés et particulièrement bien adaptés à chaque situation. Ils étaient soigneusement entraînés et représentaient une force considérable lors des batailles, néanmoins ils ne purent résister à l'armée de Charles de Herstal qui après avoir violemment écrasé les troupes musulmanes tel un marteau fût surnommé " Martel ", le « marteau d'armes » étant aussi une arme de combat.
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Message  Raimond Roger TRENCAVEL Ven 23 Oct 2015 - 20:52

Merci Archerie orientale ou Sarrasine en France dès 732  Smiley10
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